par Khadija khettou
le 29 août, le conseil gouvernemental a validé le projet de loi relatif au code de procédure pénale, déclenchant une vive controverse, notamment autour de l’article 3. L’Association Marocaine de Protection de l’Argent Public (AMPAP) dénonce cet article comme une régression majeure « en termes de droits et de constitution », soulignant qu’il entrave la capacité des associations de la société civile à signaler et dénoncer la corruption.
Mohamed El Ghalloussi, président de l’AMPAP, s’insurge contre ce qu’il considère comme la véritable intention de l’article 3 est de « dépouiller la société, qu’elle soit constituée d’individus ou de groupes, de tous les outils et moyens juridiques pour lutter contre la corruption et les voleurs de fonds publics ». Selon lui, cette loi cherche à renforcer l’impunité pour les bénéficiaires de la corruption en limitant les recours disponibles et en compromettant la reddition de comptes.
L’article 3 stipule que les enquêtes et poursuites concernant les crimes affectant les fonds publics ne peuvent être initiées que sur demande du procureur général auprès de la Cour de cassation. Cette demande peut être fondée sur un rapport de la Cour des comptes ou des inspections générales concernées, ou sur une transmission de l’Autorité nationale de la transparence et de la prévention de la corruption, ou toute autre autorité désignée par la loi.
Mohamed El Ghalloussi, avocat et défenseur des droits de l’homme à Marrakech, avertit que cet article pourrait compromettre la constitution marocaine, ainsi que la Convention des Nations Unies contre la corruption ratifiée par le Maroc. Il ajoute que l’article « limite les missions et le rôle des ministères publics et de la police judiciaire dans la lutte contre les violations du droit pénal, tel que prévu par le code de procédure pénale actuel ».
El Ghalloussi souligne que la lutte contre la corruption et la responsabilisation des acteurs publics est essentielle pour la démocratie et que cette bataille concerne « toutes les forces vives croyant en un Maroc fondé sur une distribution équitable des richesses et la séparation des pouvoirs ».
El Ghalloussi met également en garde contre l’effort du « lobby bénéficiaire » pour normaliser et légitimer la corruption. Il appelle les forces vives et les démocrates à « se regrouper pour contrer les tentatives de saper les acquis en matière de droits et de constitution ». L’AMPAP prévoit de se réunir le 3 septembre 2024 pour discuter de la situation et définir les actions futures.
Le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a exprimé à plusieurs reprises son opposition aux plaintes déposées par les associations de protection de l’argent public contre des élus et personnalités, qualifiant leur usage de « réglage de comptes politiques ». Il a même suggéré que ces plaintes pouvaient dissuader les candidats aux élections, une déclaration qui a suscité une large indignation parmi les associations.
Rappelons enfin le discours marquant du Roi Mohammed VI, lors de l’ouverture de la première session de la 4ème année législative de la 9ème législature le 10 octobre 2014 : « Le Maroc a besoin de tous ses fils, de toutes les forces vives et influentes, surtout les ONG de la société civile, dont Nous ne cessons d’encourager les initiatives sérieuses, compte tenu de leur rôle positif en tant que contre-pouvoir et force de proposition qui contribue à la critique constructive et à l’équilibre des pouvoirs »