Royaume-Uni : Les banques alimentaires, quand la précarité frappe fort

PAR ABDELGHANI AOUIFIA

Londres – A quelques mètres de la célèbre place londonienne de Trafalgar Square, symbole emblématique de la grandeur de l’empire britannique, une longue file d’attente attire les regards.

Ce n’est pas une file devant un des théâtres ou salles de cinéma ou autres sites historiques ou culturels qui meublent le centre de la capitale. Ce sont des dizaines de personnes, tous âges confondus, qui attendent leur tour pour recevoir gratuitement des repas, distribués par des ONGs.

Ces files sont devenues une scène quotidienne à Londres et d’autres villes britanniques, où le nombre des banques alimentaires a augmenté sous le coût d’une crise économique qui s’est aggravée durant les dernières années.

Elles sont le témoin de l’impact de l’inflation qui a atteint 11% à fin 2022, entrainant avec elle une hausse du coût de la vie et, partant, de la pauvreté. Selon certains chiffres, plus de sept millions de Britanniques sautent des repas par manque de moyens dans un pays pourtant compté parmi les plus grandes puissances mondiales.

Le Trussell Trust, une association de lutte contre la pauvreté qui gère un réseau de banques alimentaires à travers le Royaume-Uni, a fait état récemment d’une hausse de 37% de la demande de repas distribués entre mars 2022 et avril 2023, et de 4% entre juin 2023 et juillet 2024.

Ces chiffres montrent une tendance haussière continue de ces demandes, a indiqué le Trust, relevant que Londres vient en tête des villes du Royaume-Uni en termes de demandes de repas, suivi des régions du nord-ouest de l’Angleterre.

Entretemps, les associations actives dans la lutte contre la pauvreté mettent en garde que la hausse du coût de la vie a eu un impact négatif sur les dons de produits alimentaires pour les pauvres, appelant à des efforts pour soutenir les personnes en situation difficile.

Des chiffres rendus publics la semaine dernière par l’Office national des statistiques, laissent prévoir une amélioration de la situation. D’après l’agence, l’inflation est restée faible dans le pays à 2,2% en juillet dernier contre 2% en juin.

Même s’il dépasse l’objectif de 2% fixé par la banque d’Angleterre, ce taux de 2,2% est accueilli favorablement par les analystes d’autant plus qu’il s’est accompagné par une baisse du chômage qui a reculé à 4,2% au deuxième trimestre de l’année en cours contre 4,4% un trimestre auparavant.

Par ailleurs, on reproche au parti travailliste, qui a marqué son retour au pouvoir en juillet dernier après 14 dans l’opposition, son manque de clarté au sujet de l’éradication de la pauvreté dans le pays.

Selon des sources proches du parti, le labour opte pour la prudence sur le registre social, se gardant de faire des promesses qu’il risque de ne pas tenir. Mais le parti du Premier ministre Keir Starmer, n’hésite cependant pas à présenter la pauvreté galopante comme faisant partie de l’héritage de l’ère des conservateurs.

Dès son entrée au 10 Downing Street, siège de la primature à Londres, M. Starmer a annoncé la mise en place d’une task-force pour combattre la pauvreté infantile, qui demeure parmi les plus choquantes en Europe.

Selon les chiffres du gouvernement, la pauvreté des enfants a augmenté de 700.000 depuis 2010, et plus de quatre millions d’enfants grandissent désormais dans des familles à faible revenu en Grande-Bretagne.

La task-force a été chargée de trouver les moyens de tirer les enfants de la pauvreté à travers des programmes de soutien aux familles notamment dans les domaines de l’emploi, du logement et de la santé.

« Pendant trop longtemps, les enfants ont été laissés pour compte et aucune mesure décisive n’a été prise pour s’attaquer aux causes profondes de la pauvreté », a dit M. Starmer, estimant que cette situation « est totalement inacceptable ». « Aucun enfant ne devrait avoir faim, avoir froid ou voir son avenir compromis », argumente-t-il.

Aussi déterminante soit-elle cette croisade du labour contre la pauvreté infantile ne semble pas s’attaquer au plus grand mal qui ronge le pays, estiment les analystes.

« Les députés constatent quotidiennement l’impact de la pauvreté dans leurs circonscriptions. Nous avons une opportunité incroyable de tracer une voie différente », indique le député Ian Byrne, qui rappelle que le « changement » a été le maitre-mot sur la base duquel le labour est revenu au pouvoir.

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